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Cest au milieu de ces scènes bucoliques que nous arrivons à Belfort ; Belfort, ville forte et forte ville, conservée à la France par un homme de génie, que cependant quelques chevaliers du porte-plume ne craignent pas dappeler le mauvais génie de la France.

En ce moment, Belfort est toute au plaisir de sa libération et à la joie de revoir nos petits fantassins. Quel enthousiasme frénétique, nerveux et bruyant ! Ici des drapeaux ; des guirlandes , et des banquets ! et des punchs !

Signe du temps : de nombreux cafés-chantants se sont établis en ville ; la foule qui les encombre jus­quau milieu de la rue, souligne de ses applaudisse­ments et de ses clameurs tous les refrains qui parlent des malheurs, des vertus ou des espérances de la patrie.

Cette explosion de joie locale a dans le fond quelque chose de pénible : on sent quelle nest que le contre­coup dune douleur longtemps contenue, et lon se prend à contempler ces maisons éventrées ou incen­diées , ces rues défoncées, cette église mutilée et rougie par le feu des obus ; on regarde plus loin cette citadelle fièrement campée la tour fatidique de la Miotte, minée par la mitraille, vient de sécrouler ; on pense que, plus loin encore, au-delà de ces mon­tagnes , sétend une riche contrée le drapeau fran­çais ne flottera plus.

Braves gens de louest et du midi, _ qui cultivez tranquillement vos champs et vos vignes, en mau-