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dans le creux des montagnes. De loin en loin, sur la rive droite, un douanier badois , le casque en tête et la carabine sur lépaule ; sur la rive gauche, un gabelou suisse, la pipe à la bouche et la canne à la main. Ce trait seul peint les deux nations.

Sur le bateau, des compatriotes, une famille en­tière, font grand bruit et sébattent sans réserve avec des rires aigus et dinterminables railleries ; ils ont cette allure dédaigneuse et fendante quaffectent certains français en pays étranger ; à un moment, ils entonnent en choeur, avec des intonations burlesques, un refrain de La Fille de M me Angot. Cette explosion de musique bouffonne produit chez les graves Alle­mands une stupéfaction assez risible, quoique bien justifiable.

Dix minutes après, au moment du débarquement, ces derniers reprennent leur revanche : mes compa­triotes , qui ignoraient que' Constance est une ville Badoise égarée en Suisse, passent tranquillement devant la douane. Les employés, indignés, sélancent en glapissant des cris sauvages et en agitant les bras dun air scandalisé. Je vois quelques Allemands sou­rire de la figure déconfite des pauvres passagers, qui essaient des justifications incomprises.

Ce sourire, railleur et discret, ma considérable­ment vexé ; ces Allemands me paraissent pédants, et les douaniers me semblent hideux. Mais pourquoi diable, nous autres Français, ne savons-nous jamais notre géographie ni nos langues vivantes ! Il est vrai