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C’est une excellente spéculation que celle qui est basée sur la crédulité, l’amour propre, et l’ignorance, car il y en a bien plus dans le monde, qu’il n’y a de ce gros bon sens qui veut se rendre compte des bonnes et des mauvaises chances d’une entreprise, avant d’y engager son argent.
Si les avantages financiers du percement de l’Isthme de Suez ont été excessivement exagérés, ceux que la civilisation est appelée à en retirer ne l’ont pas été moins.
A entendre quelques enthousiastes et quelques poètes, il y aurait entre l’Inde et nous, une grande muraille de la Chine qui n’aurait jamais été franchie et que M. de Lesseps va percer, pour qu’à travers la brèche, l’Occident verse à grands flots sur l’Orient les bienfaits de sa civilisation ! On lit dans l’Année Scientifique de M. Louis Figuier de 1857, page il. « Le percement de l’Isthme de Suez est appelé à » opérer une révolution complète dans les conditions du » commerce Européen : elle doit lui ouvrir les portes fer- » mées jusqu’ici de l’Orient tout entier, et accomplir une )> révolution semblable à celle qu’a déterminée autrefois la » découverte du cap de Bonne-Espérance ! »
Si le savant M. Figuier s’était exprimé ainsi il y a 25 ans je l’aurais peut-être compris. Les lettres, les journaux, les livres, les passagers, les espèces allaient et venaient alors par le cap de Bonne-Espérance, et il fallait huit à neuf mois pour recevoir une réponse. On comprend combien cet état