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Mais je suis disposé à faire beau jeu à M. de Lesseps et à supposer que ses six millions de tonneaux de navires doublent tous le Cap de Bonne-Espérance !
M. de Lesseps en adjuge la moitié au Canal de Suez. Mais pourquoi cette moitié seulement ?
Sur trois millions de tonneaux, il y aurait, dit-il, cent cinquante millions DE francs de bénéfice à réaliser en passant par le Canal de Suez, plutôt que par le Cap. Comment peut-il supposer un seul instant, que le commerce serait assez ennemi de ses intérêts pour ne pas vouloir réaliser le même bénéfice sur l’autre moitié ?
De deux choses l’une : ou le Canal de Suez présentera pour les navires à voiles, qui de tous les points de l’Inde et de la Chine vont aujourd’hui doubler le Cap de Bonne- Espérance pour se rendre en Europe ou en Amérique, un énornie avantage, lequel est chiffré par M. de Lesseps à 150 millions pour 3,000,000 tonneaux, soit à 50 fr. par tonneau ; et alors tous les navires voudront en profiter : ou bien cet avantage n’existera pas ; auquel cas fort peu de de navires à voiles profiteront du Canal et y paieront tribut.
Lorsqu’on remplace un gué par un pont, on considère que tout le monde passera sur le pont, et on ne suppose pas qu’une moitié du public continuera à se déchausser pour avoir le plaisir de se mouiller les pieds.