126 LA GRANDE-BRETAGNE ET LES COLONIES ANGLAISES, travail de la plante-outil ; elle a drainé les terres humides, chaulé ou marné les sols compactes; elle ne cesse daccaparer les gisements de matières fertilisantes qui existent dans les couches profondes de son territoire ou sur un point quelconque du globe ; elle a dégagé la propriété des entraves qui, sous le nom de dîmes, de redevances, de droits, de servitudes seigneuriales, entravaient la liberté du culti­vateur et empêchaient lagriculture de prendre son essor ; elle a partagé ou supprimé les biens communaux, permis le rachat des enclaves et facilité, en la rendant obligatoire, la réunion des petites parcelles éparses et enchevêtrées les unes dans les autres. Quand linitiative privée a été insuffisante, la loi est venue en aide aux parti­culiers; cest ainsi que le trésor public a avancé lOOmillions de francs remboursables à longue échéance pour les travaux de drainage, que le Parlement britannique a institué des inspecteurs chargés de présider aux améliorations de toutes sortes (dessèchements, irriga­tions, drainage, constructions de routes, de chemins, de bâtiments de ferme effectuées sous la garantie de lEtat), quil a fondé des Commis­sions spéciales pour opérer le partage et la vente des biens commu­naux, le rachat des servitudes et des dîmes. La loi anglaise na pas craint, pour atteindre son but, de toucher au grand principe du droit de propriété ; elle a forcé les propriétaires à subir son inter­vention, lorsquil sest agi daméliorations exigeant le concours dun ensemble de particuliers. Dans ce pays de la liberté et du droit individuels par excellence, on nhésite pas à faire céder le pas à lintérêt privé partout le bien public le demande. Cest de la liberté bien entendue et bien pratiquée.

Grâce à ces efforts, grâce à cette marche rationnelle dans la voie du progrès, lAngleterre est arrivée à avoir lune des populations les plus denses de lEurope et la culture la plus productive. La popu­lation du Royaume-Uni dépasse aujourdhui 32 millions dhabitants pour un territoire de 31,315,000 hectares. Si notre pays était aussi peuplé, il compterait 53 millions dâmes ! et cependant les Iles britanniques sont moins bien partagées que la France au point de vue du sol et du climat, comme M. de Lavergne la si bien démontré dans ses remarquables Études sur léconomie rurale de lAngleterre.