ÉTAT DE L’OUTILLAGE AGRICOLE. 11
Il y a là également une erreur ou plutôt une exagération. L’agriculture n’est pas plus rebelle au progrès que les autres industries.
Le progrès est, en effet, avant tout, une œuvre de nécessité; l’homme est le môme partout et peur tout ; il ne consent, il ne se décide à modifier ses procédés qu’autant qu’il y est contraint.
D’un autre côté, le progrès se produit d’autant plus lentement que l’industrie touche à des intérêts plus considérables; on ne met en mouvement une grande masse qu’avec une force proportionnelle, et la vitesse est en raison inverse de la masse. Cette loi de la mécanique est parfaitement applicable au cas qui nous occupe. Or, l’agriculture représente une masse plus considérable que n’importe quelle autre industrie ; elle couvre de ses usines la surface entière du territoire; elle compte 20 millions d’intéressés et un capital de 100 milliards au moins.
Ce n’est pas évidemment du jour au lendemain qu’on peut transformer une semblable industrie. Au reste, qu’ont fait les manufacturiers eux-mêmes pendant de longues années?
Tant que les fils, les tissus, les fers, etc., ont été protégés contre la concurrence étrangère par des droits élevés, ils se sont préoccupés bien peu des progrès réalisables alors; ils gagnaient suffisamment avec leur vieil outillage ; ils n’en demandaient pas davantage. Arkwright avait beau inventer son admirable métier self- acting , Whitlrvvorth de Manchester, les machines-outils; un autre, les puissants marteaux à vapeur...., leurs usines restaient ce qu’elles étaient. Nul progrès et nul besoin de progrès ne s’y manifestaient. La loi avait la prévoyance de tout. Qu'avaient-ils besoin de faire les dépenses considérables et l’expérience toujours coûteuse d'un nouvel agencement? Quand la réforme commerciale est venue les menacer et compromettre leurs intérêts, le progrès s’est fait rapidement, mais seulement alors. Les vieux métiers, les procédés défectueux disparurent comme par enchantement pour faire place aux machines perfectionnées qui fonctionnaient déjà depuis longtemps en Angleterre. Ce fut une véritable fièvre, car il s’agissait d’être ou de ne pas être.
L’agriculture n’a jamais procédé autrement: le progrès y est lent,