PROGRÈS AGRICOLES. 65
époque, et le self-government devint la seule règle de ces hommes habitués à ne compter qu’avec eux-mêmes et avec leur conscience. On conçoit ce que dut devenir la nouvelle colonie avec de tels éléments et avec des citoyens de cette trempe !...
Bien différente fut l’évolution delà colonie française du Canada! Le point de départ était le même ; la population au dix-septième siècle y comptait le même nombre d’individus ; l’avenir semblait même plus souriant à la colonie française. La Nouvelle-France présentait, en effet, des conditions d’établissement plus avantageuses ; le sol était plus riche, les eaux plus poissonneuses ; un magnifique fleuve, le Saint-Laurent, l’arrosait et la mettait en communication avec d’immenses lacs intérieurs; fe bois et les productions naturelles y abondaient ; une baie admirablement dotée par la nature en rendait l’accès facile. Malheureusement les colons ne furent pas des hommes de même caractère, de mêmes aspirations et de mêmes aptitudes que ceux de la Nouvelle-Angleterre.
Notre histoire coloniale, il faut bien l’avouer, est généralement affligeante. Ce ne sont que combats, abus et erreurs, des dépenses énormes, des expéditions aventureuses, des plans avortés; une réglementation excessive et l’absence de tout esprit d’indépendance et de self-government établi sur des bases durables.
Dans la métropole on se figure qu’on colonise avec les rebuts, les non-valeurs, alors que pour réussir, dans des conditions difficiles, il faut l’élite des administrateurs, des hommes ardents, zélés et des colons durs au travail et d’une foi robuste.
Tandis que l’Angleterre envoyait à l'Amérique du Nord ces puritains austères fuyant la corruption de la métropole, la France, à la même époque, cédait à d’autres entraînements; des ministres mal informés, inhabiles et prévenus se montraient faciles aux courtisans, donnaient des concessions de terre immenses et se prêtaient à des spéculations financières désastreuses; le monopole paralysait toute industrie naissante; on y vendait surtout le droit de chasse. Quelques gouverneurs capables et dévoués, comme Roberval et Champlain, cherchèrent à arrêter le mal dans sa source; mais leurs efforts furent constamment paralysés par le gouvernement de la
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